FLORENCE ARTHAUD : LA FIGURE DE PROUE POUR TOUJOURS DU COURAGE QUI SOURIT par Gonzague SAINT BRIS

Amboise: 19eme foret des livres.

Photo David Nivière

Florence Arthaud était bien sûr la navigatrice que toute la France aimait. Elle était une légende mais aussi un être sincère et spontané. Sa psychologie féminine lui permettait des propos piquants, teintés toujours d’autant de tendresse que d’humour, et sa culture était aussi vaste que ces horizons lointains dont elle n’avait fait qu’une bouchée. Elle avait une autre passion que la mer, moins connue mais tout aussi profonde, et c’était la littérature. Elle n’oubliait jamais qu’elle était fille d’éditeur, qu’elle avait été élevée au milieu des pages et que sa grande famille c’était le monde des livres. Elle en parlait souvent avec feu. C’est d’ailleurs son père Jacques Arthaud, éditeur de Bernard Moitessier et d’Eric Tabarly, qui l’avait présentée à ce dernier et ce fut le début de la vocation de celle qui traversa l’Atlantique pour la première fois à l’âge de dix-huit ans. Si elle aimait les vagues et leur écume, elle avait aussi du goût pour les forêts et leurs feuilles. Florence Arthaud était venue souvent à La Forêt des Livres. La dernière fois, pour cette avant-première à la Rentrée littéraire sous les arbres centenaires du village de Chanceaux-près-Loches, les gens de mer, ses amis, étaient tout autour d’elle comme une garde rapprochée : Philippe Poupon et Géraldine Danon. Le soir de l’événement ils avaient tous les trois souhaité rester en Touraine et étaient allés dormir à Montbazon au Domaine de la Tortinière. De retour à Paris, quand je l’avais revue, elle m’avait assuré avec enthousiasme et bonheur de sa venue à la prochaine Forêt des Livres le 30 août 2015. Elle m’avait annoncé le livre sur lequel elle travaillait avec passion, polissant son ouvrage et le repolissant, fière d’être devenue un auteur. Elle y racontait comment elle avait échappé à la mort en pleine mer. Elle restituait, provoquant en moi l’effroi, la scène inouïe de son sauvetage de justesse après qu’elle fut tombée dans les flots les plus sombres : «J’ai basculé en une fraction de seconde. Je suis dans l’eau. Il fait nuit noire. Je suis seule. Je tourne la tête en tous sens, instinctivement. Je vois mon bateau qui s’éloigne. Je cherche un repère. Une lueur. Un objet. Un signe de vie. Rien. Je suis absolument seule. Isolée dans l’immense masse sombre et mouvante de la mer. Dans quelques instants, la mer, ma raison de vivre, va devenir mon tombeau. » Ce livre dont elle avait trouvé le titre impressionnant : Cette nuit, la mer est noire (Editions Arthaud), elle voulait le présenter pour les vingt ans de La Forêt des Livres. Quel bonheur de voir qu’elle avait survécu ! Quel bonheur de l’écouter à cet instant, face à face, en direct, de voir qu’elle avait échappé au pire et qu’elle serait encore et toujours avec nous ! Et aujourd’hui, quelle interminable douleur, quelle immense peine et quel perpétuel chagrin ! Même si Florence Arthaud n’est plus, on dirait qu’elle résiste. Elle demeurera ainsi l’image de celle qui résiste et la figure de proue pour toujours du courage qui sourit.